Des communautés pour mieux vivre ensemble

Autour de Blois, la gestion des affaires s’est peu à peu structurée à l’échelle au-dessus des communes : c’est ce qu’on appelle l’intercommunalité. Ici, l’organisme phare porte le nom de Communauté d’Agglomération de Blois – Agglopolys, créée en 2000, regroupant aujourd’hui 43 communes et près de 110 000 habitants (source : Agglopolys).

  • Le périmètre s’étend de Blois jusqu’aux villages du Val de Cisse, Beaugency, Vineuil ou encore Saint-Sulpice-de-Pommeray.
  • Agglopolys est la plus grande structure du Loir-et-Cher après le département.

Parmi les autres EPCI (Établissements Publics de Coopération Intercommunale) du secteur :

  • Communauté de communes Beauce Val de Loire (regroupant, par exemple, Mer et ses alentours, près de 18 000 habitants)
  • Communauté de communes du Grand Chambord (environ 14 500 habitants)

Des élus… mais élus par qui ?

Le cœur du mystère intercommunal, c’est le mode d’élection. Contrairement à l’image d’une grande campagne locale, il n’existe pas d’élection directe à l’échelle intercommunale. Les délégués qui siègent dans les conseils des communautés (le « Conseil communautaire » chez Agglopolys) sont issus des conseils municipaux : ils sont donc d’abord conseillers municipaux, puis ou en plus, « délégués communautaires ».

  • À chaque élection municipale (tous les six ans), la liste qui gagne à Blois, Vineuil, Mer, etc., désigne automatiquement des membres pour siéger à l’intercommunalité.
  • Toutefois, la taille de la commune détermine le nombre de sièges attribués : Blois (la ville-centre) possède donc, de loin, le plus grand nombre de délégués à Agglopolys.

Un exemple concret :

  • Pour 2020-2026, Blois dispose de 25 sièges au conseil communautaire d’Agglopolys sur les 77 au total.
  • Suivent Vineuil (7), La Chaussée Saint-Victor (3), et de nombreuses petites communes avec 1 ou 2 représentants.

Portraits-robots : qui siège vraiment à Agglopolys ?

Derrière ce système de répartition, qui trouve-t-on autour de la table ? Les profils sont, à l’image du territoire, variés :

  • Des maires : la plupart des petites communes délèguent leur maire lui-même au conseil communautaire.
  • Des adjoints et conseillers : Dans les communes plus peuplées, ce sont souvent des adjoints au maire, ou des conseillers municipaux issus de la majorité, parfois de l’opposition quand la répartition l’impose.
  • Un équilibre femmes-hommes : Si la parité est désormais presque toujours respectée dans les villes importantes (grâce aux règles des listes municipales), les petites communes restent souvent sous-représentées par les femmes : à Agglopolys, environ 36 % des sièges étaient occupés par des femmes en 2020 (source : Intercocu - données open data).
  • Des professions diverses : fonctionnaires, chefs d’entreprise, enseignants, agriculteurs… dans les faits, la moyenne d’âge tourne autour de 55 ans.

Quel poids pour les communes ?

La règle du jeu intercommunal s’arrange rarement de l’égalité stricte : Blois, du haut de ses 45 000 habitants, pèse 25 voix lors des votes, alors qu’une commune voisine en comptera une seule. Pourtant, chaque représentant a voix au chapitre et peut être nommé vice-président sur un domaine particulier (enfance, mobilité, développement durable…).

Il n’est pas rare que des arbitrages fins se jouent sur le dosage entre l’influence des villes-centres et la défense des intérêts plus ruraux. Ce fut le cas lors de la réorganisation de la collecte des déchets ou du schéma cyclable, sujets qui mobilisent autant à Saint-Gervais-la-Forêt qu’à Fossé.

Tableau de la répartition des sièges principaux à Agglopolys (2020-2026)

Commune Nombre de sièges Pop. (2020)
Blois 25 45 711
Vineuil 7 7 617
La Chaussée Saint-Victor 3 4 483
Saint-Gervais-la-Forêt 2 3 611
Villebarou 2 2 874
Autres communes (chacune) 1 ou 2 De 200 à 2 000

Que font ces représentants ? Un aperçu du quotidien communautaire

  • Le Conseil communautaire (4 à 5 séances par an) débat des politiques majeures : budget, urbanisme, grands investissements, énergie, eau potable, soutien aux associations.
  • Le Bureau communautaire, plus restreint (35 membres), se réunit toutes les deux semaines, prépare les dossiers, décide des consultations ou études à lancer.
  • Les Vice-présidences : chacun ou chacune a la charge d’un « portefeuille » : mobilité, déchets, enfance, finances… Sur la mandature actuelle, 15 vice-président·es épaulent le président, Marc Gricourt (également maire de Blois).
  • Les commissions thématiques rassemblent des élus de tous bords pour faire émerger les projets (souvent en amont, moins visibles du grand public).

Parmi les décisions marquantes du dernier mandat :

  • Le lancement du réseau de bus Azalys sur l’agglomération, avec des concertations sur les horaires rurales et scolaires (source : Azalys).
  • L’introduction de la redevance incitative sur les déchets, discutée pied à pied entre élus de centre-ville et villages, soucieux des différences de modes de vie.
  • Le soutien à la rénovation du marché de Blois et le renforcement des filières alimentaires locales.

Des influences croisées : interactions avec communes, département et région

Les élus intercommunaux jonglent avec plusieurs casquettes. Certains siègent aussi au conseil départemental, voire régional. Cette porosité permet parfois d’accélérer certains projets, ou d’amener sur la table des financements conjoints (routes, lycées, actions économiques). Mais elle nourrit aussi de petits frictions de voisinage politique. Une anecdote fréquente sur Agglopolys : la concurrence (feutrée) entre présidents de communauté et maires de villes secondaires sur le « chef de file » à afficher lors des inaugurations.

Entre proximité et défis démocratiques

  • Visibilité : malgré leur impact, les réunions sont encore confidentielles : la plupart ne sont pas diffusées en direct, les comptes-rendus restent techniques, et peu de citoyens assistent aux séances publiques (sauf lors de crises majeures comme lors du débat sur la fiscalité des ordures ménagères en 2021).
  • Émergence de groupes politiques : depuis 2020, quelques groupes d’opposition se structurent à Agglopolys, tentant d’apporter des voix alternatives sur des dossiers structurants (mobilité, finances, urbanisme).
  • Initiatives citoyennes : elles restent timides mais apparaissent, avec des collectifs sollicitant plus de transparence ou de participation (exemple : démarches « Budget participatif » à Blois étendu au niveau intercommunal).

L’intercommunalité : un espace d’expérimentation

Reste que l’intercommunalité reste, pour beaucoup ici, un sujet un peu opaque – jusqu’au moment où les décisions intercommunales touchent le portefeuille (taxe sur les déchets, tarifs de l’eau, nouveaux équipements culturels…), ou la vie de tous les jours (réseau de bus, animations culturelles mutualisées, zones d’activités pour les entrepreneurs locaux).

Si certains regrettent que « tout est décidé à Blois », d’autres notent combien la voix des villages reste essentielle pour façonner une politique vraiment partagée – et que ces compromis intercommunaux stimulent la créativité ou l’inventivité locale. En 2023, l’appel à idées pour la reconversion d’une ancienne friche industrielle à Fossé est venu d’une proposition commune entre plusieurs élus (Villebarou, Fossé, Blois), preuve que la coopération peut aussi faire surgir de nouveaux projets.

Pour aller plus loin : le conseil communautaire, la prochaine frontière démocratique ?

  • La question d’une élection directe des conseillers communautaires revient régulièrement. Si le Sénat et les associations d’élus s’interrogent (source : La Gazette des Communes), aucune réforme d’ampleur n’est prévue à court terme.
  • De plus en plus de conseils communautaires ouvrent leurs réunions au public, ou expérimentent la consultation en ligne de leurs règlements et débats.
  • La participation des jeunes, largement sous-représentés, progresse doucement via des conseils consultatifs jeunesse, ou l’implication dans le secteur associatif local.

À mi-chemin entre laboratoire d’idées et instance de compromis, les intercommunalités blésoises évoluent. Qui sait si demain, nos marchés, nos transports ou nos choix énergétiques ne dépendront pas davantage de ces dynamiques collectives, forgées dans le dialogue patient d’élus souvent bénévoles – et solidement ancrés dans notre quotidien.

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