Une (r)évolution locale : petite histoire de l’intercommunalité dans la région blésoise

Il suffit d’une promenade à travers le Blésois pour sentir à quel point la notion de « vivre ensemble » dépasse depuis longtemps les limites du simple panneau d’entrée de commune. La crispation sur la collecte des déchets, la question épineuse des transports, la gestion de l’eau ou encore le développement économique sont devenus, au fil des décennies, des questions de territoire, pas seulement de clocher.

Ce glissement vers une gouvernance partagée s’est accéléré à partir des années 1990, avec la loi Chevènement (12 juillet 1999) qui a favorisé la création des communautés de communes, d’agglomération ou urbaines (Vie publique). Aujourd’hui, le Blésois est structuré autour de la Communauté d’agglomération de Blois – Agglopolys, qui fédère pas moins de 43 communes, de Blois à Chailles, de La Chaussée-Saint-Victor à Saint-Gervais-la-Forêt.

La tendance est nette : beaucoup de compétences gérées autrefois par les maires ou leurs équipes sont progressivement passées sous le giron intercommunal. Mais pourquoi ce transfert, et quelles conséquences pour nos territoires ?

Quels domaines sont concernés par le transfert de compétences ?

Le passage à une gestion intercommunale ne se fait pas en un bloc : il s’agit d’un processus, rythmé par les lois et parfois par les besoins pressants du quotidien. Voici les grandes familles de compétences déjà transférées (ou en passe de l’être) à Agglopolys, la principale intercommunalité du Blésois :

  • Développement économique : création et gestion de zones d’activités, soutien aux entreprises, aménagement économique.
  • Aménagement et urbanisme : planification, documents d’urbanisme intercommunaux, politique d’habitat.
  • Déchets et environnement : collecte, traitement, valorisation, démarches pour limiter les déchets.
  • Transport : organisation des réseaux de bus (Azalys à Blois), mobilité alternatives (vélos, covoiturage).
  • Assainissement et eau : distribution, stations d’épuration, protection des ressources naturelles.
  • Développement social et culturel : gestion de certains équipements culturels, politiques sociales intercommunales.

Chaque choix de transfert s’accompagne de négociations parfois longues, car il s’agit de trouver l’équilibre entre mutualisation des moyens et respect de l’identité locale.

Pourquoi transférer ? Les motivations cachées derrière la mutualisation

Ce qui peut sembler, de prime abord, une simple question d’organisation administrative, est en réalité un profond changement d’échelle pour répondre à des enjeux bien réels :

  • Mieux gérer les besoins du quotidien : qui n’a jamais râlé devant la complexité (et la disparité) des règles pour les déchets ou la voirie d’une commune à l’autre ? La mutualisation permet de lisser les services et d’offrir une réponse plus cohérente à l’échelle d’un bassin de vie.
  • Miser sur une solidarité financière : alors que certaines communes, notamment dans le cœur rural du Blésois, affrontent des moyens réduits, l’intercommunalité favorise un partage des ressources. Selon la Cour des comptes en 2021 (source), la mutualisation permet souvent de réaliser entre 10 % et 15 % d’économies sur certaines compétences.
  • Répondre à la complexité des enjeux : la préservation du patrimoine ligérien, l’adaptation au changement climatique, ou la revitalisation des centres-bourgs ne connaissent pas de frontières administratives. Les défis dépassent le cadre d’une seule commune.
  • Accroître la capacité de négociation : plus une structure pèse (au niveau démographique, économique ou institutionnel), plus elle peut peser dans les dossiers régionaux, nationaux, européens. Agglopolys, par exemple, peut candidater à des subventions de plus grande envergure.

La réalité du Blésois : impacts concrets pour les habitants

À l’échelle du Blésois, ces mutations ne restent pas cantonnées aux salles du conseil communautaire. Elles se traduisent, chaque jour, par des services nouveaux ou améliorés :

  • Le réseau Azalys compte aujourd’hui 13 lignes régulières et dessert près de 65 % de la population d’Agglopolys (Azalys). Avant sa gestion par l’agglo, la cohérence des transports intercommunaux posait question.
  • Le tri sélectif a été étendu et harmonisé sur la majorité du territoire, avec la création de nouvelles déchetteries et d’initiatives contre le gaspillage alimentaire – notamment grâce à l’appui du Syndicat Mixte de Collecte et de Traitement des Ordures Ménagères (SMICTOM).
  • L’accès à l’eau potable a fait l’objet d’investissements importants, chiffrés à plus de 6 millions d’euros en 2023 au niveau d’Agglopolys pour moderniser les réseaux et sécuriser la ressource sur l’ensemble du territoire (La Nouvelle République).
  • La carte intercommunale des associations fait émerger une offre culturelle et sportive enrichie, pensée à l’échelle du bassin de vie, et qui irrigue même les villages les plus éloignés.

Les habitants constatent parfois une certaine « perte de proximité » : la gestion des dossiers peut sembler plus lointaine. Mais, paradoxalement, les outils numériques mis en place (portails, applications, concertations en ligne) rapprochent l’intercommunalité du citoyen : la concertation autour du Plan Local d’Urbanisme intercommunal, c’est aussi ça, la vie démocratique locale revue et corrigée.

Ce que pense le terrain : échos et débats locaux autour du transfert de compétences

Les élus blésois échangent, parfois fortement, sur l’opportunité et le rythme de ces transferts. On se souvient du vif débat, en 2022, concernant l’intégration de la gestion de l’eau pluviale à l’échelle d’Agglopolys : certains maires ruraux craignaient de perdre la main sur des dossiers qu’ils estiment « au ras du quotidien », tandis que d’autres élus défendaient un meilleur service et une égalité de traitement sur l’ensemble du périmètre (source).

Le sentiment d’appartenance à une intercommunalité varie fortement. Les petites communes craignent parfois l’uniformisation, la dilution de leurs spécificités, tandis que les villes-centres plaident pour plus de cohérence et d’efficacité. En pratique, beaucoup d’initiatives visent à préserver la voix de chaque commune via la représentation au sein du conseil communautaire. À Blois, chaque maire siège, au moins ponctuellement, pour défendre les intérêts de sa commune.

La participation citoyenne, elle aussi, cherche son souffle nouveau. Les consultations sur l’avenir de la circulation, ou sur les Plans Climat Air-Énergie Territoriaux (PCAET), portent justement l’enjeu d’une intercommunalité plus à l’écoute.

Nouvelles frontières, nouveaux défis : les prochaines étapes

Le transfert de compétences n’est ni un aboutissement, ni une baguette magique. L’avenir, pour le Blésois, pourrait bien s’écrire sur des lignes encore mouvantes :

  • Le logement et l’habitat : la loi prévoit que toutes les communautés d’agglomération exercent la compétence « Habitat ». À Blois et alentours, la lutte contre la vacance et la rénovation énergétique sont des chantiers intercommunaux, avec déjà 739 logements accompagnés en 2023 via le programme « Habiter mieux » (source : Agglopolys).
  • L’énergie : face aux enjeux climatiques, l’intercommunalité va devoir innover dans la gestion des réseaux (gaz, électricité), la production locale (parcs solaires, chaufferies biomasse).
  • L’attractivité touristique : mutualiser les moyens pour valoriser la Loire, les Châteaux, et la gastronomie ligérienne à l’échelle mondiale.
  • La protection du cadre de vie : inondations, protection de la biodiversité, gestion forestière sont à l’agenda des prochains transferts…

Rien n’est gravé dans le marbre : l’intercommunalité est, dans le Blésois comme ailleurs, un laboratoire toujours en mouvement. Ce sont les habitants, les élus et les partenaires du territoire qui en inventent chaque jour la forme, pour que services, solidarité et identité ne soient jamais sacrifiés sur l’autel de la seule rationalité administrative.

Ressources complémentaires et appels à témoignages

L’intercommunalité, dans le Blésois comme ailleurs, ce sont des choix, des compromis, des tâtonnements. Elle reste, surtout, l’affaire de celles et ceux qui la vivent et la construisent. Les voix citoyennes sont donc les bienvenues pour enrichir et questionner ce modèle, à l’aune de vos propres expériences et attentes. Les histoires du quotidien écrivent la grande histoire du territoire !

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